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J'ai vécu avec un pervers narcissique : un homme "charmant" qui a failli me tuer (L'Obs)


Qui sont les pervers narcissiques ? Ces dernières années, ces profils manipulateurs ont été largement évoqués dans la presse. Pour autant, sait-on réellement à quoi correspond ce comportement ? Marie Murski a vécu avec un pervers narcissique pendant de nombreuses années. Elle en a tiré un livre intitulé "Cris dans un jardin".

J’ai reçu la première gifle à peine deux ans après notre rencontre, il y avait eu bien des insultes et des menaces auparavant. Ce soir-là, j’ai voulu m’enfuir mais dans la nuit il est venu me chercher, m’a couverte de mots d’amour, et je suis restée. La violence physique s’est alors peu à peu installée, moins fréquente au début que les insultes, les humiliations, les punitions.



Le langage ordurier apparut et augmenta au même rythme que la violence.

Il voulait voir ma peur

Il était très prudent, il évitait les coups qui laissent des traces. Il me poussait violemment et, lorsque ma tête partait un peu loin, me retenait par les cheveux pour éviter qu’elle ne cogne sur le mur. Il me saisissait par les oreilles et secouait ma tête, j’avais des douleurs dans le cou, mais rien n’était visible.

Il me lançait du café au visage, de plus en plus chaud, et menaçait de le lancer bouillant. Il me menaçait de mort et d’étranglement, avançait ses doigts sur mon cou, mimait le geste.

Si je voulais m’éloigner de notre lit, il m’y ramenait de force, me traînait, et le viol s’ensuivait.

Il lançait ses poings à quelques centimètres de mon visage. Il voulait voir ma peur. Il la préparait, il l’annonçait en se balançant sur sa chaise ou en poussant à fond la chaîne stéréo. Avec lui j’ai appris à haïr la musique. Omniprésente, elle précédait, accompagnait mon angoisse et ma peur, grandissait sous les insultes, aggravait les humiliations. La musique servait la terreur.

À la fin, quand il a compris que j’avais commencé à parler, il s'est déchaîné et a voulu me tuer. Mais en toute impunité, sans trace visible de violence.

Le balancement annonçait les violences


Il a deux visages complètement opposés. Et il peut en changer au passage d’une porte.

Il m'a très vite menacé pour que je cesse de travailler (je suis sage-femme) et œuvré pour que je cesse d’écrire. J’ai ainsi laissé le roman que j’avais commencé. Après 11 ans sans nouvelles, mes éditeurs me croyaient morte.

Il est insensible au chaud et au froid. J’ai souffert du froid. Nous dormions la fenêtre ouverte, il l’exigeait, été comme hiver. Il dormait nu et m’obligeait à faire de même ; je devais "être à disposition", il le disait et refusait que je me couvre. Nous mangions dehors par tous les temps. Je déjeunais dehors en janvier et en février, avec des gants, transie. Il fallait sans cesse aller réchauffer les plats, lui se balançait sur sa chaise. À table, dedans comme dehors, ce balancement annonçait les violences.

J’avais des pièces interdites dans la maison, notamment la grande pièce à vivre. Il a éloigné tous mes amis, m’a complètement isolée ; j’ai vécu 11 ans sans télévision, sans journaux, pratiquement sans radio, sans téléphone. Mon nom n’apparaissait plus nulle part. Je travaillais 365 jours par an, et parfois la nuit, dans le jardin.

Un homme brillant et charmeur

Au début je suis partie plusieurs fois sur la route, à pieds, dans la nuit. Il y avait 15 km pour rejoindre la gare, un bois à traverser. Je revenais. Il me couvrait alors de mots d’amour et je me sentais coupable d’agir ainsi. Je l’avais "énervé". Mais il m’aimait tant qu’il me pardonnait. La faute était sur moi, toujours.

Devant les autres, il me montrait un amour indéfectible, vantait mes qualités, me portait aux nues. Mais en privé, j’étais "une pétasse, feignace, une salope et une pute". Dans le registre "Mon amour /Saloperie" il était d’une redoutable efficacité. "Mon amour" devant les autres, "Saloperie" en privé.

Au centre de sa personne, seul Dieu vénéré, était l’Argent.

Il n’éprouvait pas de sentiment. Je ne l’ai jamais vu triste, ni même chagriné. Si les événements ou les personnes ne pliaient pas sous sa volonté, il débordait de rage et de haine, mettait tout en œuvre, son intelligence aidant, pour redresser la barre et vaincre.

Cris dans un jardin
Marie Murski
Édité par Mathilde Fenestraz Auteur parrainé par Rozenn Le Carboulec

Source L'Obs
http://leplus.nouvelobs.com/contribution/1251542-humiliations-insultes-coups-viols-j-ai-ete-prisonniere-d-un-pervers-narcissique.html

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